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Georges Duffau-Epstein : Au nom du père

Publié le 12 décembre 2023

Georges Duffau-Epstein, à droite, est venu rencontrer les élèves ainsi que Laurent Jacques, Michel Barbier et Valérie Garraud, élus.

Georges Duffau-Epstein est venu témoigner devant des élèves du collège Rachel Salmona. Son père Joseph Epstein, membre du groupe Manouchian, a été fusillé au Mont-Valérien en 1944.

Lorsqu’il entre dans la salle 214 du collège Rachel Salmona, Georges Duffau s’empresse d’ajouter une mention à son nom écrit sur le tableau blanc : «-Epstein». Cet octogénaire a en effet dû patienter plus de soixante ans avant de pouvoir accoler à son patronyme celui de son vrai père, Joseph Epstein.

À sa naissance en 1941, Georges Duffau a été déclaré comme étant le fils d’un des amis de son père. Il a ainsi pu porter un nom lui épargnant bien des tracas, alors que la chasse aux Juifs faisait rage et que les convois de déportés s’enchaînaient sans relâche.

Sa mère, Perla, d’origine polonaise, lui a toujours tout dit de ses origines. Georges Duffau a ainsi pu se lancer dans un long travail de recherches concernant son père et il porte aujourd’hui dans les établissements scolaires son parcours hors norme.

Au collège du Tréport, où Mme Fléchelle, professeur d’histoire-géographie, s’emploie depuis de nombreuses années à instruire ses élèves sur la période de la seconde guerre mondiale, sa venue a été préparée et attendue.

Comme à leur habitude, les collégiens  de la classe de 3e défense, ont étudié consciencieusement, travaillé avec minutie à la réalisation d’un film et ont reçu avec attention le témoignage qui leur a été livré.

Si le nom de Joseph Epstein n’est pas resté dans la mémoire collective, celui du chef de son groupe de Résistants est bien plus célèbre. Missak Manouchian était à la tête d’une formation de 23 résistants, tous communistes et pour la plupart d’origine étrangère, qui se sont battus bec et ongles pour assurer la liberté de leur pays de cœur. Ils ont été fusillés au Mont-Valérien, en février 1944 pour la plupart d’entre eux, en avril 1944 en ce qui concerne Joseph Epstein.

L’Affiche rouge

Georges Duffau-Epstein s’est appliqué à retracer le parcours de son père, fils d’un entrepreneur polonais. Victime d’antisémitisme dans son pays, alors que les pogroms sévissaient et que certaines professions étaient interdites aux Juifs, il s’exile alors qu’il a tout juste 18 ans et arrive en France en 1929 où poursuit des études de droit.

Amoureux de la liberté, il se rend en Espagne où il combat en soutien de la République espagnole. Blessé, il revient en France. Il étudie la stratégie militaire, ce qui lui sera fort utile lorsqu’il entre en 1940 en résistance au sein d’un groupe de communistes.

«La Résistance, le renseignement, ce ne sont pas forcément des actes spectaculaires. La plupart du temps, ce sont de petits actes qui, cumulés, ont un effet», s’empresse de préciser Georges Duffau-Epstein.

Son père sera arrêté en banlieue parisienne lors d’un rendez-vous avec Missak Manouchian, mais il parvient à cacher son nom, car il dispose de papiers au nom «bien français de «Estain», comme le précise son fils. Cela ne lui épargnera malheureusement pas l’exécution sommaire.

M. Duffau-Epstein en revenu sur «l’affiche rouge» célèbre élément de propagande utilisé par l’armée allemande. Deux millions de tracts et des milliers d’affiches ont été déployés dans tout le pays. Sur fond rouge, apparaissaient les visages de Missak Manouchian et de neuf de ses camarades. Ils étaient présentés non pas comme des libérateurs, mais comme des assassins. Leurs mines sombres après leur passage à tabac et leurs noms difficiles à prononcer auraient pu inquiéter les Français. Fort heureusement, à cette époque, la recherche de l’information et l’esprit critique ont été mobilisés à bon escient et rares ont été ceux qui se sont fait duper. Quelques mains courageuses ont même nuitamment tracé sur certaines affiches quelques mots opportuns : «Morts pour la France».

«Mon père ne figure pas sur cette affiche, car les Allemands ne savaient pas qu’il était Juif. Pourtant, il disposait bien des trois qualités que les Allemands détestaient  : Juif, Polonais et Communiste», indiquait Georges Duffau-Epstein à un auditoire composé de jeunes très attentifs à cette intervention.